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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Ma foi, dit-il sans la quitter des yeux, je n’en sais rien… Mais vous allez peut-être pouvoir me donner des renseignements, vous ?

— Moi ? s’écria-t-elle d’un grand air de surprise. Eh ! je ne l’ai jamais vu… Attendez, je sais qu’il est vicaire à Saint-Saturnin ; c’est le père Bourrette qui m’a dit ça. Et tenez, cela me fait penser que je devrais l’inviter à mes jeudis. Je reçois déjà le directeur du grand séminaire et le secrétaire de monseigneur.

Puis, se tournant vers Marthe :

— Tu ne sais pas, quand tu verras ton locataire, tu devrais le sonder, de façon à me dire si une invitation lui serait agréable.

— Nous ne le voyons presque pas, se hâta de répondre Mouret. Il entre et il sort sans ouvrir la bouche… Puis, ce ne sont pas mes affaires.

Et il continuait à l’examiner d’un air défiant. Certainement elle en savait plus long sur l’abbé Faujas qu’elle ne voulait en conter. D’ailleurs, elle ne bronchait pas sous l’examen attentif de son gendre.

— Ça m’est égal, après tout, reprit-elle avec une aisance parfaite. Si c’est un homme convenable, je trouverai toujours une manière de l’inviter… Au revoir, mes enfants.

Elle remontait le perron, lorsqu’un grand vieillard se montra sur le seuil du vestibule. Il avait un paletot et un pantalon de drap bleu très-propres, avec une casquette de fourrure rabattue sur les yeux. Il tenait un fouet à la main.

— Eh ! c’est l’oncle Macquart ! cria Mouret, en jetant un coup d’œil curieux sur sa belle-mère.

Félicité avait fait un geste de vive contrariété. Macquart, frère bâtard de Rougon, était rentré en France, grâce à celui-ci, après s’être compromis dans le soulèvement des campagnes, en 1851. Depuis son retour du Piémont, il menait une vie de bourgeois gras et renté. Il avait acheté, on ne sa-