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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/82

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LES ROUGON-MACQUART.

croyez-moi, ne vous faites pas terrible ; soyez aimable, plaisez aux femmes. Retenez bien ceci, plaisez aux femmes, si vous voulez que Plassans soit à vous.

L’aînée des demoiselles Rastoil achevait sa romance, en plaquant un dernier accord. On applaudit discrètement. Madame Rougon avait quitté l’abbé Faujas pour féliciter la chanteuse. Elle se tint ensuite au milieu du salon, donnant des poignées de main aux invités qui commençaient à se retirer. Il était onze heures. L’abbé fut très-contrarié, lorsqu’il s’aperçut que le digne Bourrette avait profité de la musique pour disparaître. Il comptait s’en aller avec lui, ce qui devait lui ménager une sortie convenable. Maintenant, s’il partait seul, c’était un échec absolu ; on raconterait le lendemain dans la ville qu’on l’avait jeté à la porte. Il se réfugia de nouveau dans l’embrasure d’une fenêtre, épiant une occasion, cherchant un moyen de faire une retraite honorable.

Cependant, le salon se vidait, il n’y avait plus que quelques dames. Alors, il remarqua une personne fort simplement mise. C’était madame Mouret, rajeunie par des bandeaux légèrement ondulés. Elle le surprit beaucoup par son tranquille visage, où deux grands yeux noirs semblaient dormir. Il ne l’avait pas aperçue de la soirée ; elle était sans doute restée dans son coin, sans bouger, contrariée de perdre ainsi le temps, les mains sur les genoux, à ne rien faire. Comme il l’examinait, elle se leva pour prendre congé de sa mère.

Celle-ci goûtait une de ses joies les plus aiguës, à voir le beau monde de Plassans s’en aller avec des révérences, la remerciant de son punch, de son salon vert, des heures agréables qu’il venait de passer chez elle ; et elle pensait qu’autrefois le beau monde lui marchait sur la chair, selon sa rude expression, tandis que, à cette heure, les plus riches ne trouvaient pas de sourires assez tendres pour cette chère madame Rougon.