Aller au contenu

Page:Emile Zola - La Curée.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
LES ROUGON-MACQUART


Le vieillard allait répondre. Puis il se leva, redressa sa haute taille, et marcha lentement, sans regarder sa fille davantage. Celle-ci restait toute pâle d’émotion. Chaque fois qu’elle s’exhortait à avoir du courage et qu’elle cherchait une transition pour arriver à la demande d’argent, elle éprouvait un élancement au cœur.

— On ne vous voit plus, mon père, murmura-t-elle.

— Oh ! répondit la tante sans laisser à son frère le temps d’ouvrir les lèvres, ton père ne sort guère que pour aller de loin en loin au Jardin des Plantes. Et encore faut-il que je me fâche ! Il prétend qu’il se perd dans Paris, que la ville n’est plus faite pour lui… Va, tu peux le gronder !

— Mon mari serait si heureux de vous voir venir de temps à autre à nos jeudis ! continua la jeune femme.

M. Béraud Du Châtel fit quelques pas en silence. Puis, d’une voix tranquille :

— Tu remercieras ton mari, dit-il. C’est un garçon actif, paraît-il, et je souhaite pour toi qu’il mène honnêtement ses affaires. Mais nous n’avons pas les mêmes idées, et je suis mal à l’aise dans votre belle maison du parc Monceau.

La tante Élisabeth parut chagrine de cette réponse :

— Que les hommes sont donc méchants avec leur politique ! dit-elle gaiement. Veux-tu savoir la vérité ? Ton père est furieux contre vous parce que vous allez aux Tuileries.

Mais le vieillard haussa les épaules, comme pour dire que son mécontentement avait des causes beaucoup plus graves. Il se remit à marcher lentement, songeur. Renée resta un instant silencieuse, ayant au bord des lèvres la demande des cinquante mille francs. Puis une