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LES ROUGON-MACQUART

fants tout de suite. Il les trouvait bien un peu jeunes ; mais les médecins redoutaient le mois de mars pour la poitrinaire. De son côté, M. de Mareuil était dans une situation délicate. Au dernier scrutin, il avait enfin réussi à se faire nommer député. Seulement, le Corps législatif venait de casser son élection, qui fut le scandale de la révision des pouvoirs. Cette élection était tout un poème héroï-comique, sur lequel les journaux vécurent pendant un mois. M. Hupel de la Noue, le préfet du département, avait déployé une telle vigueur, que les autres candidats ne purent même afficher leur profession de foi ni distribuer leurs bulletins. Sur ses conseils, M. de Mareuil couvrit la circonscription de tables où les paysans burent et mangèrent pendant une semaine. Il promit, en outre, un chemin de fer, la construction d’un pont et de trois églises, et adressa, la veille du scrutin, aux électeurs influents, les portraits de l’empereur et de l’impératrice, deux grandes gravures recouvertes d’une vitre et encadrées d’une baguette d’or. Cet envoi eut un succès fou, la majorité fut écrasante. Mais, quand la Chambre, devant l’éclat de rire de la France entière, se trouva forcée de renvoyer M. de Mareuil à ses électeurs, le ministre entra dans une colère terrible contre le préfet et le malheureux candidat, qui s’étaient montrés vraiment trop « roides. » Il parla même de mettre la candidature officielle sur un autre nom. M. de Mareuil fut épouvanté, il avait dépensé trois cent mille francs dans le département, il y possédait de grandes propriétés où il s’ennuyait, et qu’il lui faudrait revendre à perte. Aussi vint-il supplier son cher collègue d’apaiser son frère, de lui promettre, en son nom, une élection tout à fait convenable. Ce fut en cette cir-