Page:Emile Zola - La Curée.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
271
LA CURÉE

sant le ton, ne voulant pas lâcher son idée d’emprunt immédiat. Enfin, il vit la porte-fenêtre s’ouvrir avec des précautions infinies, sans qu’il eût entendu le moindre bruit de pas. Dans le demi-jour de la serre, Renée lui apparut, les cheveux dénoués, à peine vêtue, comme si elle allait se mettre au lit. Elle était nu-pieds. Elle le poussa vers un des berceaux, descendant les marches, marchant sur le sable des allées, sans paraître sentir le froid ni la rudesse du sol.

— C’est bête de siffler si fort que ça, murmura-t-elle avec une colère contenue… Je t’avais dit de ne pas venir. Que me veux-tu ?

— Eh ! montons, dit Maxime surpris de cet accueil. Je te dirai ça là-haut. Tu vas prendre froid.

Mais, comme il faisait un pas, elle le retint, et il s’aperçut alors qu’elle était horriblement pâle. Une épouvante muette la courbait. Ses derniers vêtements, les dentelles de son linge, pendaient comme des lambeaux tragiques, sur sa peau frissonnante.

Il l’examinait avec un étonnement croissant.

— Qu’as-tu donc ? Tu es malade ?

Et, instinctivement, il leva les yeux, il regarda, à travers les vitres de la serre, cette fenêtre du cabinet de toilette où il avait vu de la lumière.

— Mais il y a un homme chez toi, dit-il tout à coup.

— Non, non, ce n’est pas vrai, balbutia-t-elle, suppliante, affolée.

— Allons donc, ma chère, je vois l’ombre.

Alors ils restèrent là un instant, face à face, ne sachant que se dire. Les dents de Renée claquaient de terreur, et il lui semblait qu’on jetait des seaux d’eau glacée sur ses pieds nus. Maxime éprouvait plus d’irri-