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LA CURÉE

— Moi, j’aurais imaginé autre chose, dit-il. Enfin, chacun son système… Il ne nous reste alors qu’à payer.

— C’est à ce sujet, répondit Saccard, que je veux m’entendre avec vous… Demain, je porterai l’acte de cession à ma femme, et elle aura simplement à vous faire remettre cet acte pour toucher le prix convenu… Je préfère éviter toute entrevue.

Jamais il n’avait voulu, en effet, que Larsonneau vînt chez eux sur un pied d’intimité. Il ne l’invitait pas, l’accompagnait chez Renée, les jours où il fallait absolument que les deux associés se rencontrassent ; cela était arrivé trois fois. Presque toujours, il traitait avec des procurations de sa femme, pensant qu’il était inutile de lui laisser voir ses affaires de trop près.

Il ouvrit son portefeuille, en ajoutant :

— Voici les deux cent mille francs de billets souscrits par ma femme ; vous les lui donnerez en payement, et vous ajouterez cent mille francs que je vous porterai demain dans la matinée… Je me saigne, mon cher ami. Cette affaire me coûte les yeux de la tête.

— Mais, fit remarquer l’agent d’expropriation, cela ne va faire que trois cent mille francs… Est-ce que le reçu sera de cette somme ?

— Un reçu de trois cent mille francs ! reprit Saccard en riant, ah bien ! nous serions propres plus tard. Il faut, d’après nos inventaires, que la propriété soit estimée aujourd’hui deux millions cinq cent mille francs. Le reçu sera de la moitié, naturellement.

— Jamais votre femme ne voudra le signer.

— Eh si ! Je vous dis que tout est convenu… Parbleu ! je lui ai dit que c’était votre première condition. Vous nous mettez le pistolet sous la gorge avec votre faillite,