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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/290

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LES ROUGON-MACQUART

pas à Renée. Ses amies me plaisanteraient, me taquineraient, et j’aime mieux qu’elles sachent la chose en même temps que tout le monde.

Saccard lui promit le silence. Puis, comme ils arrivaient vers le haut du boulevard Malesherbes, il lui donna de nouveau une foule d’excellents conseils. Il lui apprenait comment il devait s’y prendre pour faire un paradis de son ménage.

— Surtout, ne romps jamais avec ta femme. C’est une bêtise. Une femme avec laquelle on n’a plus de rapports vous coûte les yeux de la tête… D’abord, il faut payer quelque fille, n’est-ce pas ? Puis, la dépense est bien plus grande à la maison : c’est la toilette, c’est les plaisirs particuliers de madame, les bonnes amies, tout le diable et son train.

Il était dans une heure de vertu extraordinaire. Le succès de son affaire de Charonne lui mettait au cœur des tendresses d’idylle.

— Moi, continua-t-il, j’étais né pour vivre heureux et ignoré au fond de quelque village, avec toute ma famille à mes côtés… On ne me connaît pas, mon petit… J’ai l’air comme ça très en l’air. Eh bien, pas du tout, j’adorerais rester près de ma femme, je lâcherais volontiers mes affaires pour une rente modeste qui me permettrait de me retirer à Plassans… Tu vas être riche, fais-toi avec Louise un intérieur où vous vivrez comme deux tourtereaux. C’est si bon ! J’irai vous voir. Ça me fera du bien.

Il finissait par avoir des larmes dans la voix. Cependant, ils étaient arrivés devant la grille de l’hôtel, et ils causaient, au bord du trottoir. Sur ces hauteurs de Paris, une bise soufflait. Pas un bruit ne montait dans la