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LES ROUGON-MACQUART

Elle se reprit, elle essaya de mentir.

— Ce n’est pas vrai… qui te l’a dit ?

Maxime haussa les épaules.

— Pardieu ! mon père lui-même, qui te trouve joliment faite et qui m’a parlé de tes hanches.

Il avait laissé percer un léger dépit. Mais il se remit à marcher, continuant d’une voix grondeuse et amicale, entre deux bouffées de cigare :

— Vraiment, je ne te comprends pas. Tu es une singulière femme. Hier, c’est ta faute, si j’ai été grossier. Tu m’aurais dit que c’était mon père, je m’en serais allé tranquillement, tu comprends ? Moi, je n’ai pas de droit… Mais tu vas me nommer M. de Saffré !

Elle sanglotait, les mains sur son visage. Il s’approcha, s’agenouilla devant elle, lui écarta les mains de force.

— Voyons, dis-moi pourquoi tu m’as nommé M. de Saffré !

Alors, détournant encore la tête, elle répondit au milieu de ses larmes, à voix basse :

— Je croyais que tu me quitterais, si tu savais que ton père…

Il se releva, reprit son cigare qu’il avait posé sur un coin de la cheminée, et se contenta de murmurer :

— Tu es bien drôle, va !…

Elle ne pleurait plus. Les flammes de la cheminée et le feu de ses joues séchaient ses larmes. L’étonnement de voir Maxime si calme devant une révélation qu’elle croyait devoir l’écraser lui faisait oublier sa honte. Elle le regardait marcher, elle l’écoutait parler comme dans un rêve. Il lui répétait, sans quitter son cigare, qu’elle n’était pas raisonnable, qu’il était tout naturel qu’elle eût