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LA CURÉE

malicieuse, ses ailes et son carquois, la petite Mme Daste donnait son sourire au personnage aimable de Cupidon. Puis, d’un côté du tertre, les trois Grâces, Mmes de Guende, Teissière, de Meinhold, tout en mousseline, se souriaient, s’enlaçaient, comme dans le groupe de Pradier ; tandis que, de l’autre côté, la marquise d’Espanet et Mme Haffner, enveloppées du même flot de dentelles, les bras à la taille, les cheveux mêlés, mettaient un coin risqué dans le tableau, un souvenir de Lesbos, que M. Hupel de la Noue expliquait à voix plus basse, pour les hommes seulement, en disant qu’il avait voulu montrer par là la puissance de Vénus. En bas du tertre, la comtesse Vanska faisait la Volupté ; elle s’allongeait, tordue par un dernier spasme, les yeux entr’ouverts et mourants, comme lasse ; très brune, elle avait dénoué sa chevelure noire, et sa tunique striée de flammes fauves montrait des bouts de sa peau ardente. La gamme des costumes, du blanc de neige du voile de Vénus au rouge sombre de la tunique de la Volupté, était douce, d’un rose général, d’un ton de chair. Et sous le rayon électrique, ingénieusement dirigé sur la scène par une des fenêtres du jardin, la gaze, les dentelles, toutes ces étoffes légères et transparentes se fondaient si bien avec les épaules et les maillots, que ces blancheurs rosées vivaient, et qu’on ne savait plus si ces dames n’avaient pas poussé la vérité plastique jusqu’à se mettre toutes nues. Ce n’était là que l’apothéose ; le drame se passait au premier plan. À gauche, Renée, la nymphe Écho, tendait les bras vers la grande déesse, la tête à demi tournée du côté de Narcisse, suppliante, comme pour l’inviter à regarder Vénus, dont la vue seule allume de terribles feux ; mais Narcisse, à droite, faisait un geste de refus,