Page:Emile Zola - La Curée.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
320
LES ROUGON-MACQUART

conversation. Il les écoutait, la tête haute, les coins de la bouche un peu relevés, ce qui donnait à sa grosse face blanche, soigneusement rasée, un air de doute et de dédain souriant.

Saccard, qui voulait amener l’annonce du mariage de Maxime et de Louise, manœuvrait pour trouver une transition habile. Il affectait une grande familiarité, et son frère faisait le bonhomme, consentait à lui rendre le service de paraître l’aimer beaucoup. Il était réellement supérieur, avec son regard clair, son visible mépris des coquineries mesquines, ses larges épaules qui, d’un haussement, auraient culbuté tout ce monde-là. Quand il fut enfin question du mariage, il se montra charmant, il laissa entendre qu’il tenait prêt son cadeau de noces ; il voulait parler de la nomination de Maxime comme auditeur au Conseil d’État. Il alla jusqu’à répéter deux fois à son frère, d’un ton tout à fait bon garçon :

— Dis bien à ton fils que je veux être son témoin.

M. de Mareuil rougissait d’aise. On complimenta Saccard. M. Toutin-Laroche s’offrit comme second témoin. Puis, brusquement, on arriva à parler du divorce. Un membre de l’opposition venait d’avoir « le triste courage », disait M. Haffner, de défendre cette honte sociale. Et tous se récrièrent. Leur pudeur trouva des mots profonds. M. Michelin souriait délicatement au ministre, pendant que les Mignon et Charrier remarquaient avec étonnement que le collet de son habit était usé.

Pendant ce temps, M. Hupel de la Noue restait embarrassé, s’appuyant au fauteuil du baron Gouraud, qui s’était contenté d’échanger avec le ministre une poignée de main silencieuse. Le poète n’osait quitter la place. Un sentiment indéfinissable, la crainte de paraître ridi-