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LES ROUGON-MACQUART.

pâleur de nonne, de femme amollie par l’ombre et les renoncements du cloître, se tachaient de plaques rouges. Le visage convulsé, les yeux horriblement ouverts, les mains retournées et tordues, elle s’allongeait dans ses jupes, qui dessinaient en lignes sèches les maigreurs de ses membres. Et, serrant les lèvres, elle mettait, au fond de la pièce noire, l’horreur d’une agonie muette.

Rougon eut un geste d’humeur. Ce spectacle navrant lui fut très-désagréable ; il avait du monde à dîner le soir, il aurait été désolé d’être triste. Sa mère ne savait qu’inventer pour le mettre dans l’embarras. Elle pouvait bien choisir un autre jour. Aussi prit-il un air tout à fait rassuré, en disant :

— Bah ! ça ne sera rien. Je l’ai vue cent fois comme cela. Il faut la laisser reposer, c’est le seul remède.

Pascal hocha la tête.

— Non, cette crise ne ressemble pas aux autres, murmura-t-il. Je l’ai souvent étudiée, et jamais je n’ai remarqué de tels symptômes. Regardez donc ses yeux : ils ont une fluidité particulière, des clartés pâles très-inquiétantes. Et le masque ! quelle épouvantable torsion de tous les muscles !

Puis, se penchant davantage, étudiant les traits de plus près, il continua à voix basse, comme se parlant à lui-même.

— Je n’ai vu des visages pareils qu’aux gens assassinés, morts dans l’épouvante… Elle doit avoir eu quelque émotion terrible.

— Mais comment la crise est-elle venue ? demanda Rougon impatienté, ne sachant plus de quelle façon quitter la chambre.

Pascal ne savait pas. Macquart, en se versant un nouveau petit verre, raconta qu’ayant eu l’envie de boire un peu de cognac, il l’avait envoyée en chercher une bouteille.