Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/224

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— Il n’y a plus d’espoir, n’est-ce pas ? demanda-t-il. J’ai relu cette nuit l’ouvrage de Bouillaud sur les maladies de cœur…

Pauline, descendue avec le médecin, jeta de nouveau à ce dernier un regard suppliant, qui lui fit interrompre le jeune homme de son air courroucé. Chaque fois que les maladies tournaient mal, il se fâchait.

— Eh ! le cœur, mon cher, vous n’avez que le cœur à la bouche !… Est-ce qu’on peut affirmer quelque chose ? Je crois le foie plus malade encore. Seulement, quand la machine se détraque, tout se prend, parbleu ! les poumons, l’estomac, et le cœur lui-même… Au lieu de lire Bouillaud, la nuit, ce qui ne sert absolument qu’à vous rendre malade, vous aussi, vous feriez mieux de dormir.

C’était un mot d’ordre dans la maison, on affirmait à Lazare que sa mère se mourait du foie. Il n’en croyait rien, feuilletait ses anciens livres, aux heures d’insomnie ; puis, il s’embrouillait sur les symptômes, et cette explication du docteur que les organes se prenaient les uns après les autres, finissait par l’effrayer davantage.

— Enfin, reprit-il péniblement, combien croyez-vous qu’elle puisse aller encore ?

Cazenove eut un geste vague.

— Quinze jours, un mois peut-être… Ne m’interrogez pas, je me tromperais, et vous auriez raison de dire que nous ne savons et que nous ne pouvons rien… C’est effrayant, le progrès que le mal a fait depuis hier.

Véronique, en train d’essuyer des verres, le regardait, la bouche ouverte. Eh quoi ! c’était donc vrai, madame était si malade, madame allait mourir ?