Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/225

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Jusque-là, elle n’avait pu croire au danger, elle grognait dans les coins, en continuant à parler de malice rentrée, histoire de faire tourner les gens en bourrique. Elle demeura stupide, et comme Pauline lui disait de monter près de Madame, pour que celle-ci ne restât pas seule, elle sortit, s’essuyant les mains à son tablier et en ne trouvant que ces mots :

— Ah bien alors ! ah bien alors !…

— Docteur, avait repris Pauline, qui seule gardait toute sa tête, il faudrait songer aussi à mon oncle… Pensez-vous qu’on doive le préparer ? Voyez-le donc avant de partir.

Mais, à ce moment, l’abbé Horteur se présenta. Il n’avait su que le matin ce qu’il appelait l’indisposition de madame Chanteau. Quand il connut la gravité de la maladie, son visage hâlé qui riait au grand air prit une expression de réel chagrin. Cette pauvre dame ! était-ce possible ? elle qui semblait si vaillante, trois jours auparavant ! Puis, après un silence, il demanda :

— Puis-je la voir ?

Il avait jeté sur Lazare un coup d’œil inquiet, le sachant irréligieux et prévoyant un refus. Mais le jeune homme, accablé, ne paraissait même pas avoir compris. Ce fut Pauline qui répondit nettement :

— Non, pas aujourd’hui, monsieur le curé. Elle ignore son état, votre présence la révolutionnerait… Nous verrons demain.

— Très bien, se hâta de dire le prêtre, rien ne presse, j’espère. Mais chacun doit faire son devoir, n’est-ce pas ?… Ainsi le docteur qui ne croit pas en Dieu…

Depuis un moment, le docteur regardait fixement