blée devant cet inconnu, cette confession involontaire qui revenait à la surface, dans le travail même de la mort. Et ce n’était plus d’un souffle, c’était de ce bavardage terrifiant que la maison maintenant s’emplissait. Lazare, lorsqu’il passait devant la porte, en emportait des phrases. Il les retournait, ne leur trouvait pas de sens, s’en effarait comme d’une histoire ignorée, que sa mère contait déjà, de l’autre côté de la vie, au milieu de gens invisibles.
Lorsque le docteur Cazenove arriva, il trouva Chanteau et l’abbé Horteur dans la salle à manger, en train de jouer aux dames. On aurait pu croire qu’ils n’avaient pas bougé de là, et qu’ils continuaient la partie de la veille. Assise près d’eux sur son derrière, la Minouche paraissait absorbée dans l’étude du damier. Le curé était venu de grand matin reprendre son poste de consolateur. Pauline, à présent, ne voyait plus d’inconvénient à ce qu’il montât, et lorsque le médecin fit sa visite, il quitta son jeu, il l’accompagna près de la malade, se présenta à elle en ami, simplement désireux d’avoir de ses nouvelles. Madame Chanteau les reconnut encore, elle voulut qu’on la relevât contre ses oreillers, elle les accueillit en belle femme de Caen qui recevait dans un délire lucide et souriant. Ce brave docteur devait être satisfait d’elle, n’est-ce pas ? elle se lèverait bientôt ; et elle questionna l’abbé poliment sur sa propre santé. Celui-ci, monté dans l’intention de remplir son devoir de prêtre, n’osa ouvrir la bouche, saisi de cette agonie bavarde. Du reste, Pauline était là, qui l’aurait empêché d’aborder certains sujets. Elle-même avait la force de feindre une gaieté confiante. Quand les deux hommes se retirèrent, elle les reconduisit sur le palier, où le médecin lui donna à