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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/234

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voix basse des instructions pour les derniers moments. Les mots de décomposition rapide, de phénol, revenaient, pendant que, de la chambre, sortait encore le bourdonnement confus, le flux de paroles intarissables de la mourante.

— Alors, vous pensez qu’elle passera la journée ? demanda la jeune fille.

— Oui, elle ira sans doute jusqu’à demain, répondit Cazenove. Mais ne la levez plus, elle pourrait vous rester entre les bras… D’ailleurs, je reviendrai ce soir.

Il fut convenu que l’abbé Horteur demeurerait avec Chanteau et qu’il le préparerait à la catastrophe. Véronique, sur le seuil de la chambre, écoutait prendre ces dispositions d’un air effaré. Depuis qu’elle croyait à la possibilité de la mort de Madame, elle ne desserrait plus les lèvres, s’empressait autour d’elle avec son dévouement de bête de somme. Mais tous se turent, Lazare montait, errant par la maison, sans trouver la force d’assister aux visites du docteur et de connaître au juste le danger. Ce brusque silence qui l’accueillait, le renseigna malgré lui. Il devint très pâle.

— Mon cher enfant, dit le médecin, vous devriez m’accompagner. Vous déjeuneriez avec moi, et je vous ramènerais ce soir.

Le jeune homme avait pâli encore.

— Non, merci, murmura-t-il, je ne veux pas m’éloigner.

Dès lors, Lazare attendit, dans un affreux serrement de poitrine. Une ceinture de fer semblait lui boucler les côtes. La journée s’éternisait, et elle passait pourtant, sans qu’il sût de quelle façon coulaient les heures. Il ne se rappela jamais ce qu’il