Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/309

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de se déshabiller, Pauline raisonna longuement. Elle arrivait à se prouver que Louise ferait plus qu’elle pour le bonheur de Lazare. Cette enfant si faible, aux caresses d’amante, ne l’avait-elle pas déjà tiré de son ennui ? Sans doute il la lui fallait ainsi, pendue continuellement à son cou, chassant de ses baisers les idées noires, les terreurs de la mort. Et Pauline se rabaissait, se trouvait trop froide, sans grâce amoureuse de femme, n’ayant que de la bonté, ce qui ne suffit point aux jeunes hommes. Une autre considération acheva de la convaincre. Elle était ruinée, et les projets d’avenir de son cousin, ces projets qui l’inquiétaient, allaient demander beaucoup d’argent. Devait-elle lui imposer la gêne où vivait la famille, la médiocrité dont elle le voyait souffrir ? Ce serait une existence terrible, de continuels regrets, l’amertume querelleuse des ambitions manquées. Elle lui apporterait toutes les rancunes de la misère, tandis que Louise, qui était riche, lui ouvrirait les grandes situations dont il rêvait. On assurait que le père de la jeune fille gardait pour son gendre une place toute prête ; sans doute il s’agissait d’une situation dans la banque, et bien que Lazare affectât le dédain des gens de finance, les choses s’arrangeraient certainement. Elle ne pouvait hésiter davantage, maintenant il lui semblait qu’elle commettrait une vilaine action, si elle ne les mariait pas. Ce mariage, dans son insomnie, devenait un dénouement naturel et nécessaire, qu’elle devait hâter, sous peine de perdre sa propre estime.

La nuit entière se passa au milieu de cette lutte. Quand le jour parut, Pauline se déshabilla enfin. Elle était très calme, elle goûta dans le lit un profond repos, sans pouvoir dormir encore. Jamais elle