Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/319

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elle laissa éclater son cœur dans ce cri involontaire :

— Ô mon ami, peux-tu croire que je cherche à te torturer !… Tu ne comprends donc pas que je veux uniquement ta joie, que j’accepterais tout pour t’assurer un plaisir d’une heure ! N’est-ce pas ? tu aimes Louise, eh bien ! je te dis de l’épouser… Entends cela, je ne compte plus, je te la donne.

Il la regardait, effaré. Dans cette nature nerveuse et sans équilibre, les sentiments sautaient aux extrêmes, à la moindre secousse. Ses paupières battirent, il sanglota.

— Tais-toi, je suis un misérable ! Oui, je me méprise pour tout ce qui se passe dans cette maison depuis des années… Je suis ton créancier, ne dis pas non ! Nous t’avons pris ton argent, je l’ai gaspillé comme un imbécile, et voilà maintenant que je roule assez bas, pour que tu me fasses l’aumône de ma parole, pour que tu me la rendes par pitié, comme à un homme sans courage et sans honneur.

— Lazare ! Lazare ! murmura-t-elle épouvantée.

D’un mouvement furieux, il s’était mis debout, et il marchait, il se battait la poitrine de ses poings.

— Laisse-moi ! Je me tuerais tout de suite, si je me faisais justice… N’est-ce pas toi que je devrais aimer ? N’est-ce pas abominable de désirer cette autre, parce que sans doute elle n’était pas pour moi, parce qu’elle est moins bonne et moins bien portante, est-ce que je sais ? Quand un homme tombe à ces choses, c’est qu’il y a de la boue au fond… Tu vois que je ne cache rien, que je ne cherche guère à m’excuser… Écoute, plutôt que d’accepter ton sacrifice, je mettrais moi-même Louise à la porte,