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IX

Et les jours s’étaient remis à couler, dans la maison de Bonneville. Après un hiver très froid, il y avait eu un printemps pluvieux, la mer battue par les averses ressemblait à un lac de boue ; puis, l’été tardif s’était prolongé jusqu’au milieu de l’automne, avec de lourds soleils qui endormaient l’immensité bleue sous des chaleurs accablantes ; puis, l’hiver avait reparu, et un printemps, et un été encore, s’en allant minute à minute, du même pas, dans la marche cadencée des heures.

Pauline, comme si son cœur se fût réglé sur ce mouvement d’horloge, retrouvait son grand calme. Ses souffrances s’engourdissaient, bercées par les jours réguliers, promenées dans des occupations qui revenaient toujours les mêmes. Elle descendait le matin, embrassait son oncle, avait avec la bonne la conversation de la veille, s’asseyait deux fois à table, cousait l’après-midi, se couchait tôt le soir ; et, le lendemain, la journée recommençait, sans que jamais un événement inattendu en vînt rompre la monotonie. Chanteau, de plus en plus noué par la goutte, les jambes gonflées, les mains difformes, restait muet quand il ne hurlait pas, enfoncé dans la béatitude de ne pas souffrir. Véronique, qui sem-