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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/36

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LES ROUGON-MACQUART.

Elle devint très rouge, voulut mentir, puis céda à son besoin de franchise.

— Non, non… Vois-tu, c’est que j’ai peur, quand les portes sont fermées à clef. Alors, je ne vais pas fermer, tu comprends, et si je tape, c’est pour que tu viennes… Toi, entends-tu, pas la bonne !

Il s’était avancé, séduit par le charme de cette enfance si droite et si tendre.

— Bonsoir, répéta-t-il en tendant les bras.

Elle se jeta à son cou, l’étreignit de ses petits bras maigres, sans s’inquiéter de sa nudité de gamine.

— Bonsoir, mon cousin.

Cinq minutes plus tard, elle avait bravement soufflé sa bougie, elle se pelotonnait au fond de son lit, drapé de mousseline. Sa lassitude donna longtemps à son sommeil une légèreté de rêve. D’abord, elle entendit Véronique monter sans précaution et traîner ses meubles, pour réveiller le monde. Ensuite, il n’y eut plus que le tonnerre grondant de la tempête : la pluie entêtée battait les ardoises, le vent ébranlait les fenêtres, hurlait sous les portes ; et, pendant une heure encore, la canonnade continua, chaque vague qui s’abattait, la secouait d’un choc profond et sourd. Il lui semblait que la maison, anéantie, écrasée de silence, s’en allait dans l’eau comme un navire. Elle avait maintenant une bonne chaleur moite, sa pensée vacillante se reportait, avec une pitié secourable, vers les pauvres gens que la mer, en bas, chassait de leurs couvertures. Puis, tout sombra, elle dormit sans un souffle.