Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/384

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— Qu’y a-t-il ?

— L’enfant se présente par l’épaule gauche, autant que j’ai pu m’en assurer, et je crains même que le bras ne se dégage le premier.

— Eh bien ? demanda Pauline.

— Dans un cas pareil, la présence d’un médecin est absolument nécessaire… Je ne puis prendre la responsabilité de l’accouchement, surtout à huit mois. Il y eut un silence. Puis, Lazare, désespéré, se révolta. Où voulait-on qu’il trouvât un médecin, à cette heure de nuit ? Sa femme aurait le temps de succomber vingt fois, avant qu’il eût ramené le docteur d’Arromanches.

— Je ne crois pas à un danger immédiat, répétait la sage-femme. Partez tout de suite… Moi, je ne puis rien faire.

Et, comme Pauline à son tour la suppliait d’agir, au nom de l’humanité, pour soulager du moins la malheureuse, dont les grands soupirs continuaient à emplir la maison, elle déclara de sa voix nette :

— Non, cela m’est défendu… L’autre, là-bas, est morte. Je ne veux pas que celle-ci me reste encore dans les mains.

À ce moment, on entendit s’élever, dans la salle à manger, un appel larmoyant de Chanteau.

— Vous êtes là ? entrez !… On ne me dit rien. Il y a un siècle que j’attends des nouvelles.

Ils entrèrent. Depuis le dîner interrompu, on avait oublié Chanteau. Il était resté devant la table servie, tournant ses pouces, patientant, avec sa résignation somnolente d’infirme, accoutumé aux longues immobilités solitaires. Cette nouvelle catastrophe, qui révolutionnait la maison, l’attristait ; et il n’avait pas