Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/391

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La poussée partait du bas des côtes, descendait dans les reins, aboutissait aux aines en une sorte de déchirure, sans cesse élargie. Chaque muscle du ventre travaillait, se bandait sur les hanches, avec des raccourcissements et des allongements de ressort ; même ceux des fesses et des cuisses agissaient, semblaient par moments la soulever du matelas. Un tremblement ne la quittait plus, elle était, de la taille aux genoux, secouée ainsi de larges ondes douloureuses, que l’on voyait, une à une, descendre sous sa peau, dans le raidissement de plus en plus violent de la chair.

— Ça ne finira donc pas, mon Dieu ! ça ne finira donc pas ? murmurait Pauline.

Ce spectacle emportait son calme et son courage habituels. Et elle poussait elle-même, dans un effort imaginaire, à chacun des gémissements de travailleuse essoufflée dont l’accouchée accompagnait sa besogne. Les cris, d’abord sourds, montaient peu à peu, s’enflaient en plaintes de fatigue et d’impuissance. C’était l’enragement, le han ! éperdu du fendeur de bois, qui abat sa cognée depuis des heures sur le même nœud, sans avoir seulement pu entamer l’écorce.

Entre chaque crise, dans les courts instants de repos, Louise se plaignait d’une soif ardente. Sa gorge sans salive avait des mouvements pénibles d’étranglement.

— Je meurs, donnez-moi à boire !

Elle buvait une gorgée de tilleul très léger, que Véronique tenait devant le feu. Mais souvent, au moment où elle portait la tasse à ses lèvres, Pauline devait la reprendre, car une autre crise arrivait, les mains se remettaient à trembler ; tandis que la