Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/410

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rant encore des larmes, où se mêlaient le regret de sa maternité et sa pitié pour la misère de tous les vivants.

Madame Bouland, avertie, vint l’aider à laver le nouveau-né. Elles l’enveloppèrent d’abord dans un drap tiède, puis elles l’habillèrent et le couchèrent sur le lit de la chambre, en attendant qu’on préparât le berceau. La sage-femme, stupéfaite de le trouver en vie, l’avait examiné avec soin ; et elle disait qu’il paraissait d’une bonne conformation, mais qu’on aurait tout de même beaucoup de peine à l’élever, tant il était chétif. D’ailleurs, elle se hâta de retourner près de Louise, qui restait en grand péril.

Comme Pauline s’installait à côté de l’enfant, Lazare entra à son tour, prévenu du miracle.

— Viens le voir, dit-elle, très émue.

Il s’approcha, mais il tremblait, ne put retenir cette parole :

— Mon Dieu ! tu l’as couché dans ce lit !

Dès la porte, il avait eu un frisson. Cette chambre abandonnée, encore assombrie de deuil, où l’on entrait si rarement, il la retrouvait chaude et lumineuse, égayée par le pétillement du feu. Les meubles pourtant étaient demeurés à leur place, la pendule marquait toujours sept heures trente-sept minutes, personne n’avait vécu là, depuis que sa mère y était morte. Et c’était dans le lit même où elle avait expiré, dans ce lit sacré et redoutable, qu’il voyait son enfant renaître, tout petit au milieu de la largeur des draps.

— Cela te contrarie ? demanda Pauline surprise.

Il répondit non de la tête, il ne pouvait parler, tant l’émotion l’étranglait. Puis, il bégaya enfin :

— C’est de songer à maman… Elle est partie, et