Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/435

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l’éclairait maintenant d’une nappe d’or, qui allumait les petits flots bleus de courtes flammes. Au loin, l’horizon tournait au lilas tendre. Ce beau jour finissait dans une paix souveraine, déroulant l’infini du ciel et de l’eau, sans un nuage ni une voile.

— Dame ! se risqua à dire Pauline souriante, puisqu’il a découché, il faut bien qu’on le gronde un peu.

Le docteur la regardait, et il eut à son tour un sourire, où elle retrouva sa clairvoyance d’autrefois, quand il lui avait prédit qu’elle ne leur faisait pas un beau cadeau, en les donnant l’un à l’autre. Aussi se dirigea-t-elle vers la cuisine.

— Eh bien ! je vous laisse, tâchez de vous occuper… Et toi, mon oncle, appelle-moi, si Paul se réveillait.

Dans la cuisine, lorsqu’elle eut tourné le ragoût et préparé la broche, elle bouscula les casseroles d’impatience. Les voix de Louise et de Lazare lui arrivaient à travers le plafond, de plus en plus hautes, et elle se désespérait, en pensant qu’on devait les entendre de la terrasse. Vraiment, ils étaient peu raisonnables de crier comme des sourds, de faire à tout le monde la confidence de leur désunion. Pourtant, elle ne voulait pas monter ; d’abord, elle avait le dîner à faire ; ensuite, elle éprouvait un malaise, à l’idée d’aller se mettre ainsi entre eux, jusque dans leur chambre. D’habitude, elle les réconciliait en bas, aux heures de vie commune. Un instant, elle passa dans la salle à manger, où elle s’occupa du couvert avec bruit. Mais les voix continuaient, elle ne put supporter davantage la pensée qu’ils se rendaient malheureux ; et elle monta, poussée par cette charité active qui faisait du bonheur des autres son existence à elle.