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LES ROUGON-MACQUART.

d’un caractère solennel et douloureux, qu’il consentit à jouer un soir devant Pauline. L’enfant approuvait, trouvait ça très bien. Puis, elle discutait. Sans doute, il devait y avoir du plaisir à composer de la belle musique ; mais peut-être se serait-il montré plus sage en obéissant à ses parents, qui voulaient faire de lui un préfet ou un juge. La maison était désolée par cette querelle de la mère et du fils, celui-ci parlant d’aller à Paris se présenter au Conservatoire, celle-là lui accordant jusqu’au mois d’octobre pour choisir une carrière d’honnête homme. Et Pauline soutenait le projet de sa tante, à qui elle avait annoncé, de son air tranquillement convaincu, qu’elle se chargeait de décider son cousin. On en riait, Lazare furieux refermait le piano avec violence, en lui criant qu’elle était « une sale bourgeoise. »

Ils se fâchèrent trois jours, puis ils se raccommodèrent. Pour la conquérir à la musique, il s’était mis en tête de lui apprendre le piano. Il lui posait les doigts sur les touches, la tenait des heures à monter et à descendre des gammes. Mais, décidément, elle le révoltait par son manque de feu. Elle ne cherchait qu’à rire, elle trouvait drôle de promener le long du clavier la Minouche, dont les pattes exécutaient des symphonies barbares ; et elle jurait que la chatte jouait la fameuse sortie du Paradis terrestre, ce qui égayait l’auteur lui-même. Alors, les grandes parties recommençaient, elle lui sautait au cou, il la faisait virer ; tandis que la Minouche, entrant dans la danse, bondissait de la table sur l’armoire. Quant à Mathieu, il n’était pas admis, il avait la joie trop brutale.

— Fiche-moi la paix, sale petite bourgeoise ! ré-