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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/47

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LA JOIE DE VIVRE.

péta un jour Lazare exaspéré. Maman t’apprendra le piano, si elle veut.

— Ça ne sert à rien, ta musique, déclara carrément Pauline. À ta place, je me ferais médecin.

Outré, il la regardait. Médecin, maintenant ! où prenait-elle cela ? Il s’exaltait, il se jetait dans sa passion, avec une impétuosité qui semblait devoir tout emporter.

— Écoute, cria-t-il, si l’on m’empêche d’être musicien, je me tue !

L’été avait achevé la convalescence de Chanteau, et Pauline put suivre Lazare au dehors. La grande chambre fut désertée, leur camaraderie galopa en courses folles. Pendant quelques jours, ils se contentèrent de la terrasse où végétaient des touffes de tamaris, brûlées par les vents du large ; puis, ils envahirent la cour, cassèrent la chaîne de la citerne, effarouchèrent la douzaine de poules maigres qui vivaient de sauterelles, se cachèrent dans l’écurie et la remise vides, dont on laissait tomber les plâtres ; puis, ils gagnèrent le potager, un terrain sec, que Véronique bêchait comme un paysan, quatre planches semées de légumes noueux, plantées de poiriers aux moignons d’infirme, tous pliés dans une même fuite par les bourrasques du nord-ouest ; et ce fut de là, en poussant une petite porte, qu’ils se trouvèrent sur les falaises, sous le ciel libre, en face de la pleine mer. Pauline avait gardé la curiosité passionnée de cette eau immense, si pure et si douce maintenant, au clair soleil de juillet. C’était toujours la mer qu’elle regardait de chaque pièce de la maison. Mais elle ne l’avait pas encore approchée, et une nouvelle vie commença, quand