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LES ROUGON-MACQUART.

Ambroise Paré, et tant d’autres. Mais, une après-midi, il poussa des cris de joie, il tenait son chef-d’œuvre : c’était bête, le Paradis, il cassait tout ça, il écrivait la symphonie de la Douleur, une page où il notait, en harmonies sublimes, la plainte désespérée de l’Humanité sanglotant sous le ciel ; et il utilisait sa marche d’Adam et d’Ève, il en faisait carrément la marche de la Mort. Pendant huit jours, son enthousiasme augmenta d’heure en heure, il résumait l’univers dans son plan. Une autre semaine s’écoula, son amie resta très étonnée, un soir, de l’entendre dire qu’il irait tout de même étudier volontiers la médecine à Paris. Il avait songé que cela le rapprochait du Conservatoire : être là-bas d’abord, ensuite il verrait. Ce fut une grande joie pour madame Chanteau. Elle aurait préféré son fils dans l’administration ou dans la magistrature ; mais les médecins étaient au moins des gens honorables, et qui gagnaient beaucoup d’argent.

— Tu es donc une petite fée ? dit-elle en embrassant Pauline. Ah ! ma chérie, tu nous récompenses bien de t’avoir prise avec nous !

Tout fut réglé. Lazare partirait le 1er  octobre. Alors, en septembre, les escapades recommencèrent avec plus d’entrain, les deux camarades voulaient finir dignement leur belle vie de liberté. Ils s’oubliaient jusqu’à la nuit, sur le sable de la baie du Trésor.

Un soir, allongés côte à côte, ils regardaient les étoiles pointer comme des perles de feu, dans le ciel pâlissant. Elle, sérieuse, avait la tranquille admiration d’une enfant bien portante. Lui, fiévreux depuis qu’il se préparait à partir, battait nerveusement des paupières, au milieu des soubresauts de sa volonté, qui l’emportait sans cesse en nouveaux projets.