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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/51

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LA JOIE DE VIVRE.

— C’est beau, les étoiles, dit-elle gravement, après un long silence.

Il laissa le silence retomber. Sa gaieté ne sonnait plus si claire, un malaise intérieur troublait ses yeux ouverts très grands. Au ciel, le fourmillement des astres croissait de minute en minute, ainsi que des pelletées de braise jetées au travers de l’infini.

— Tu n’as pas appris ça, toi, murmura-t-il enfin. Chaque étoile est un soleil, autour duquel roulent des machines comme la terre ; et il y en a des milliards, d’autres encore derrière celles-ci, toujours d’autres…

Il se tut, il reprit d’une voix qu’un grand frisson étranglait :

— Moi, je n’aime pas les regarder… Ça me fait peur.

La mer, qui montait, avait une lamentation lointaine, pareille à un désespoir de foule pleurant sa misère. Sur l’immense horizon, noir maintenant, flambait la poussière volante des mondes. Et, dans cette plainte de la terre écrasée sous le nombre sans fin des étoiles, l’enfant crut entendre près d’elle un bruit de sanglots.

— Qu’as-tu donc ? es-tu malade ?

Il ne répondait pas, il sanglotait, la face couverte de ses mains crispées violemment, comme pour ne plus voir. Quand il put parler, il bégaya :

— Oh ! mourir, mourir !

Pauline conserva de cette scène un souvenir étonné. Lazare s’était mis debout péniblement, ils rentrèrent à Bonneville dans l’ombre, les pieds gagnés par les vagues ; et ni l’un ni l’autre ne trouvaient plus rien à se dire. Elle le regardait marcher devant