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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/65

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LA JOIE DE VIVRE.

vois donc, vois donc, c’est du sang !… Tout est fini, les draps en sont pleins.

Sa voix défaillait, elle croyait que ses veines se vidaient par ce ruisseau rouge. Le cri de son cousin lui vint aux lèvres, ce cri dont elle n’avait pas compris la désespérance, devant la peur du ciel sans bornes.

— Tout est fini, je vais mourir.

Étourdie, la tante cherchait des mots décents, un mensonge qui la tranquillisât, sans rien lui apprendre.

— Voyons, ne te fais pas de mal, je serais plus inquiète, n’est-ce pas ? si tu étais en péril… Je te jure que cette chose arrive à toutes les femmes. C’est comme les saignements de nez…

— Non, non, tu dis ça pour me tranquilliser… Je vais mourir, je vais mourir.

Il n’était plus temps. Quand le docteur Cazenove arriva, il craignit une fièvre cérébrale. Madame Chanteau avait recouché la jeune fille, en lui faisant honte de sa peur. Des journées passèrent, celle-ci était sortie de la crise, étonnée, songeant désormais à des choses nouvelles et confuses, gardant sourdement au fond d’elle une question, dont elle cherchait la réponse.

Ce fut la semaine suivante que Pauline se remit au travail et parut se passionner pour la Mythologie. Elle ne descendait plus de la grande chambre de Lazare, qui lui servait toujours de salle d’étude ; il fallait l’appeler à chaque repas, et elle arrivait, la tête perdue, engourdie d’immobilité. Mais, en haut, la Mythologie traînait au bout de la table, c’était sur les ouvrages de médecine laissés dans l’armoire, qu’elle passait des journées entières, les yeux