Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
67
LA JOIE DE VIVRE.

sition. Bien des choses lui échappaient, elle avait la seule prescience de ce qu’il faudrait savoir, pour soulager ceux qui souffrent. Son cœur se brisait de pitié, elle reprenait son ancien rêve de tout connaître, afin de tout guérir.

Et, maintenant, Pauline savait pourquoi le flot sanglant de sa puberté avait jailli comme d’une grappe mûre, écrasée aux vendanges. Ce mystère éclairci la rendait grave, dans la marée de vie qu’elle sentait monter en elle. Elle gardait une surprise et une rancune du silence de sa tante, de l’ignorance complète où celle-ci la maintenait. Pourquoi donc la laisser ainsi s’épouvanter ? ce n’était pas juste, il n’y avait aucun mal à savoir.

Du reste, rien ne reparut pendant deux mois. Madame Chanteau dit un jour :

— Si tu revois comme en décembre, tu te souviens ? ne t’effraie pas, au moins… Ça vaudrait mieux.

— Oui, je sais, répondit tranquillement la jeune fille.

Sa tante la regarda, pleine d’effarement.

— Que sais-tu donc ?

Alors, Pauline rougit, à l’idée de mentir, pour cacher plus longtemps ses lectures. Le mensonge lui était insupportable, elle préféra se confesser. Quand madame Chanteau, ouvrant les livres sur la table, aperçut les gravures, elle resta pétrifiée. Elle qui se donnait tant de peine, afin d’innocenter les amours de Jupiter ! Vraiment, Lazare aurait dû mettre sous clef de pareilles abominations. Et, longuement, elle interrogea la coupable, avec des précautions et des sous-entendus de toutes sortes. Mais Pauline, de son air candide, achevait de l’embarrasser. Eh bien ! quoi ? on était fait ainsi, il n’y avait