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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/87

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LA JOIE DE VIVRE.

naissante, des rires aux frissons sonores, des contacts furtifs et appuyés, tout le départ enchanté pour le pays des nobles tendresses, sous le coup de fouet de l’instinct génésique. Lui, protégé par ses débordements du quartier latin, n’ayant plus de curiosités à perdre, continuait à voir en elle une sœur, que son désir n’effleurait pas. Elle, au contraire, vierge encore, dans cette solitude où elle ne trouvait que lui, l’adorait peu à peu et se donnait entière. Quand ils étaient ensemble, du matin au soir, elle semblait vivre de sa présence, les yeux cherchant les siens, empressé à le servir.

Vers ce temps, madame Chanteau s’étonna de la piété de Pauline. Deux fois, elle la vit se confesser. Puis, brusquement, la jeune fille parut en froid avec l’abbé Horteur ; elle refusa même d’aller à la messe pendant trois dimanches, et n’y retourna que pour ne point chagriner sa tante. Du reste, elle ne s’expliquait pas, elle avait dû être blessée par les questions et les commentaires de l’abbé, dont la langue était lourde. Et ce fut alors, avec son flair de mère passionnée, que madame Chanteau devina l’amour croissant de Pauline. Elle se tut pourtant, n’en parla même pas à son mari. Cette aventure fatale la surprenait, car jusque-là une tendresse possible, peut-être un mariage, n’était pas entré dans ses plans. Comme Lazare, elle avait continué à traiter sa pupille en gamine ; et elle voulait réfléchir, elle se promit de les surveiller, n’en fit rien, peu soucieuse au fond de ce qui n’était pas le plaisir de son fils.

Les chaudes journées d’août étaient venues, le jeune homme décida un soir qu’on se baignerait le lendemain, en allant à l’usine. Travaillée par ses