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LES ROUGON-MACQUART.

idées de convenances, la mère les accompagna, malgré le terrible soleil de trois heures. Elle s’assit près de Mathieu sur les galets brûlants, elle s’abrita de son ombrelle, sous laquelle le chien tâchait d’allonger sa tête.

— Eh bien ! où va-t-elle donc ? demanda Lazare en voyant Pauline disparaître à demi derrière une roche.

— Elle va se déshabiller, parbleu ! dit madame Chanteau. Tourne-toi, tu la gênes, ce n’est pas convenable.

Il demeura très étonné, regarda encore du côté de la roche, où flottait un coin blanc de chemise, puis ramena les yeux sur sa mère, en se décidant à tourner le dos. Pourtant, il se déshabilla rapidement lui-même, sans rien ajouter.

— Y sommes-nous ? cria-t-il enfin. En voilà des affaires ! Est-ce que tu mets ta robe couleur du temps ?

Légèrement, Pauline accourait, riant d’un rire trop gai, où l’on sentait un peu d’embarras. Depuis le retour de son cousin, ils ne s’étaient pas baignés ensemble. Elle avait un costume de grande nageuse, fait d’une seule pièce, serré à la taille par une ceinture et découvrant les hanches. Les reins souples, la gorge haute, elle ressemblait, amincie de la sorte, à un marbre florentin. Ses jambes et ses bras nus, ses petits pieds nus chaussés de sandales, gardaient une blancheur d’enfant.

— Hein ? reprit Lazare, allons-nous jusqu’aux Picochets ?

— C’est ça, jusqu’aux Picochets, répondit-elle.

Madame Chanteau criait :

— Ne vous éloignez pas… Vous me faites toujours des peurs !

Mais ils s’étaient déjà mis à l’eau. Les Picochets,