Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/95

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Tu sais qu’on peut avoir confiance, on me couperait plutôt la main… Vous avez besoin de dix mille francs là-bas ; je vous donne dix mille francs, et je referme à double tour. C’est sacré.

— Avec dix mille francs, dit Lazare, je suis certain du succès… Les grosses dépenses sont faites, ce serait un crime que de se décourager. Vous verrez, vous verrez… Et, toi, chérie, je veux t’habiller d’une robe d’or, comme une reine, le jour de notre mariage.

La joie fut encore augmentée par l’arrivée imprévue du docteur Cazenove. Il venait de panser un pêcheur, qui s’était écrasé les doigts sous un bateau ; et on le retint, on le força à boire une tasse de thé. La grande nouvelle ne parut pas le surprendre. Seulement, lorsqu’il entendit les Chanteau s’exalter sur l’exploitation des algues, il regarda Pauline d’un air inquiet, il murmura.

— Sans doute, l’idée est ingénieuse, on peut faire un essai. Mais avoir des rentes, c’est encore plus solide. À votre place, je voudrais être tout de suite heureux, dans mon petit coin…

Il s’interrompit, en voyant une ombre pâlir les yeux de la jeune fille. La vive affection qu’il éprouvait pour elle, lui fit reprendre, contre sa pensée :

— Oh ! l’argent a du bon, gagnez-en beaucoup… Et, vous savez, je danserai à votre noce. Oui, je danserai le zambuco des Caraïbes, que vous ne connaissez pas je parie… Tenez ! les deux mains en moulin à vent, avec des claques sur les cuisses, et en rond autour du prisonnier, quand il est cuit et que les femmes le découpent.

Les mois recommencèrent à couler. Maintenant, Pauline avait retrouvé son calme souriant, seule