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Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/98

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Mais, à partir de ce jour, la brèche était ouverte, elle s’accoutuma, puisa sans compter. D’ailleurs, elle finissait par trouver blessante, à son âge, cette continuelle sujétion au bon plaisir d’une gamine ; et elle en gardait une rancune. On le lui rendrait, son argent ; s’il lui appartenait, ce n’était pas une raison suffisante pour ne plus se permettre un geste, avant de lui en avoir demandé la permission. Dès qu’elle eut fait un trou dans le tiroir, elle n’exigea plus d’être accompagnée. Pauline en éprouva un soulagement ; car, malgré son bon cœur, les visites au secrétaire lui étaient pénibles : sa raison l’avertissait d’une catastrophe, l’économie prudente de sa mère se révoltait en elle. D’abord, elle s’étonna du silence de madame Chanteau, elle sentait bien que l’argent filait tout de même, et qu’on se passait d’elle, simplement. Ensuite, elle préféra cela. Au moins, elle n’avait pas le désagrément de voir, chaque fois, le tas des papiers diminuer. Il n’y eut désormais, entre elles deux, qu’un échange rapide de regards, à certaines heures : le regard fixe et inquiet de la nièce, quand elle devinait un nouvel emprunt ; le regard vacillant de la tante, irritée d’avoir à tourner la tête. C’était comme un ferment de haine qui germait.

Malheureusement, cette année-là, Davoine fut déclaré en faillite. Ce désastre était prévu, les Chanteau n’en reçurent pas moins un coup terrible. Ils restaient avec leurs trois mille francs de rente. Tout ce qu’ils purent tirer de la débâcle, une douzaine de mille francs, fut aussitôt placé et leur compléta, en tout, trois cents francs par mois. Aussi madame Chanteau, dès la seconde quinzaine, dut-elle prendre cinquante francs sur l’argent de Pauline : le boucher de Verchemont attendait avec sa note, on ne pou-