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LA TERRE.

ses intérêts avec le premier, dans la débâcle de la crise agricole. Depuis quelque temps, les chagrins que Jacqueline lui causait, joints aux soucis de la ferme, l’ayant empêché de s’occuper de la mairie, il laissait l’adjoint Macqueron expédier les affaires courantes. Aussi, lorsque l’intérêt qu’il prenait aux élections le ramena présider le conseil, fut-il étonné de le sentir rebelle, d’une raideur hostile.

C’était un sourd travail de Macqueron, mené avec une prudence de sauvage, qui aboutissait enfin. Chez ce paysan devenu riche, tombé à l’oisiveté, se traînant, sale et mal tenu dans des loisirs de monsieur dont il crevait d’ennui, peu à peu était poussée l’ambition d’être maire, l’unique amusement de son existence, désormais. Et il avait miné Hourdequin, exploitant la haine vivace, innée au cœur de tous les habitants de Rognes, contre les seigneurs autrefois, contre le fils de bourgeois qui possédait la terre aujourd’hui. Bien sûr qu’il l’avait eue pour rien, la terre ! un vrai vol, du temps de la Révolution ! pas de danger qu’un pauvre bougre profitât des bonnes chances, ça retournait toujours aux canailles, las de s’emplir les poches ! Sans compter qu’il s’y passait de propres choses, à la Borderie. Une honte, cette Cognette, que le maître allait reprendre sur les paillasses des valets, par goût ! Tout cela s’éveillait, circulait en mots crus dans le pays, soulevait des indignations, même chez ceux qui auraient culbuté ou vendu leur fille, si le dérangement en avait valu la peine. De sorte que les conseillers municipaux finissaient par dire qu’un bourgeois, ça devait rester à voler et à paillarder avec les bourgeois ; tandis que, pour bien mener une commune de paysans, il fallait un maire paysan.

Justement, ce fut au sujet des élections qu’une première résistance étonna Hourdequin. Comme il parlait de M. de Chédeville, toutes les figures devinrent de bois. Macqueron, quand il l’avait vu rester fidèle au candidat en disgrâce, s’était dit qu’il tenait le vrai terrain de bataille, une occasion excellente pour le faire sauter. Aussi appuyait-il le candidat du préfet, M. Rochefontaine, en criant que