Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/108

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à les détruire, puisqu’il ne voulait pas en faire volontairement le sacrifice. Mais ce qui glaça le docteur, ce fut la façon dont Martine l’apaisait, d’une voix contenue. Elle était évidemment complice, elle répétait qu’il fallait attendre, ne rien brusquer, que mademoiselle et elle avaient fait le serment de venir à bout de monsieur, en ne lui laissant pas une heure de paix. C’était juré, on le réconcilierait avec le bon Dieu, parce qu’il n’était pas possible qu’un saint homme comme monsieur restât sans religion. Et les voix des deux femmes baissèrent, ne furent bientôt plus qu’un chuchotement, un murmure étouffé de commérage et de complot, où il ne saisissait que des mots épars, des ordres donnés, des mesures prises, un envahissement de sa libre personnalité. Lorsque sa mère partit enfin, il la vit, avec son pas léger et sa taille mince de jeune fille, qui s’éloignait très satisfaite.

Pascal eut une heure de défaillance, de désespérance absolue. Il se demandait à quoi bon lutter, puisque toutes ses affections s’alliaient contre lui. Cette Martine qui se serait jetée dans le feu, sur un simple mot de sa part, et qui le trahissait ainsi, pour son bien ! Et Clotilde, liguée avec cette servante, complotant dans les coins, se faisant aider par elle à lui tendre des pièges ! Maintenant, il était bien seul, il n’avait autour de lui que des traîtresses, on empoisonnait jusqu’à l’air qu’il respirait. Ces deux-là encore, elles l’aimaient, il serait peut-être venu à bout de les attendrir ; mais, depuis qu’il savait sa mère derrière elles, il s’expliquait leur acharnement, il n’espérait plus les reprendre. Dans sa timidité d’homme qui avait vécu pour l’étude, à l’écart des femmes, malgré sa passion, l’idée qu’elles étaient trois à le vouloir, à le plier sous leur volonté, l’accablait. Il en sentait toujours une derrière lui ; quand il s’enfermait dans sa chambre, il les