Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/155

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huit jours. Des circonstances personnelles, la nécessité surtout d’asseoir définitivement sa situation de médecin à Plassans, l’obligeaient à ne pas différer plus longtemps son mariage ; et il voulait obtenir de Clotilde une réponse décisive. Deux fois déjà, des tiers, s’étant trouvés là, l’avaient empêché de parler. Comme il désirait ne la tenir que d’elle-même, il avait résolu de s’en expliquer directement, dans une conversation de franchise. Leur camaraderie, leurs têtes raisonnables et droites à tous deux, l’autorisaient à cette démarche. Et il termina, souriant, les yeux dans les siens.

— Je vous assure, Clotilde, que c’est le dénouement le plus sage… Vous le savez, voici longtemps que je vous aime. J’ai pour vous une tendresse et une estime profondes… Mais cela ne suffirait peut-être pas, il y a encore que nous nous entendrons parfaitement et que nous serons très heureux ensemble, j’en suis certain.

Elle n’avait pas baissé les regards, elle le regardait franchement, elle aussi, avec un amical sourire. Il était vraiment très beau, dans toute la force de la jeunesse.

— Pourquoi, demanda-t-elle, n’épousez-vous pas mademoiselle Lévêque, la fille de l’avoué ? Elle est plus jolie, plus riche que moi, et je sais qu’elle serait si heureuse… Mon bon ami, j’ai peur que vous ne fassiez une sottise en me choisissant.

Il ne s’impatienta pas, l’air toujours convaincu de la sagesse de sa détermination.

— Mais je n’aime pas mademoiselle Lévêque et je vous aime… D’ailleurs, j’ai réfléchi à tout, je vous répète que je sais très bien ce que je fais. Dites oui, vous n’avez vous-même pas de meilleur parti à prendre.

Alors, elle devint grave, et une ombre passa sur son visage, l’ombre de ces réflexions, de ces luttes intérieures,