Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/157

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beaux, dans le soleil, comme vêtus de soleil, il s’arrêta sur le seuil. Et ses yeux s’élargirent, sa face pâle se décomposa.

Ramond avait pris la main de Clotilde, voulant la retenir un instant encore.

— C’est promis, n’est-ce pas ? Je désire que le mariage ait lieu cet été… Vous savez combien je vous aime, et j’attends votre réponse.

— Parfaitement, répondit-elle. Avant un mois, tout sera réglé.

Un éblouissement fit chanceler Pascal. Voilà maintenant que ce garçon, un ami, un élève, s’introduisait dans sa maison pour lui voler son bien ! Il aurait dû s’attendre à ce dénouement, et la brusque nouvelle d’un mariage possible le surprenait, l’accablait comme une catastrophe imprévue, où sa vie achevait de crouler. Cette créature qu’il avait faite, qu’il croyait à lui, elle s’en irait donc sans regret, elle le laisserait agoniser seul, dans son coin ! La veille encore, elle l’avait tant fait souffrir, qu’il s’était demandé s’il n’allait pas se séparer d’elle, l’envoyer à son frère, qui la réclamait toujours. Un instant même, il venait de se résoudre à cette séparation, pour leur paix à tous deux. Et, brutalement, de la trouver là avec cet homme, de l’entendre promettre une réponse, de penser qu’elle se marierait, qu’elle le quitterait bientôt, cela lui donnait un coup de couteau dans le cœur.

Il marcha pesamment, les deux jeunes gens se tournèrent et furent un peu gênés.

— Tiens ! maître, nous parlions de vous, finit par dire gaiement Ramond. Oui, nous complotions, puisqu’il faut l’avouer… Voyons, pourquoi ne vous soignez-vous pas ? Vous n’avez rien de sérieux, vous vous remettriez sur pied en quinze jours.

Pascal, qui s’était laissé tomber sur une chaise, conti-