Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nuait à les regarder. Il eut la force de se vaincre, rien ne parut sur son visage de la blessure qu’il avait reçue. Il en mourrait sûrement, et personne au monde ne se douterait du mal qui l’emportait. Mais ce fut pour lui un soulagement que de pouvoir se fâcher, en refusant avec violence d’avaler seulement un verre de tisane.

— Me soigner ! à quoi bon ?… Est-ce que ce n’en est pas fini, de ma vieille carcasse ?

Ramond insista, avec son sourire d’homme calme.

— Vous êtes plus solide que nous tous. C’est un accident, et vous savez bien que vous avez le remède… Piquez-vous…

Il ne put continuer, et ce fut le comble. Pascal s’exaspérait, demandait si l’on voulait qu’il se tuât, comme il avait tué Lafouasse. Ses piqûres ! une jolie invention dont il avait lieu d’être fier ! Il niait la médecine, il jurait de ne plus toucher à un malade. Quand on n’était plus bon à rien, on crevait et ça valait mieux pour tout le monde. C’était, d’ailleurs, ce qu’il allait s’empresser de faire, le plus vite possible.

— Bah ! bah ! conclut Ramond, en se décidant à prendre congé, par crainte de l’exciter davantage, je vous laisse Clotilde, et je suis bien tranquille… Clotilde arrangera ça.

Mais Pascal, ce matin-là, avait reçu le coup suprême. Il s’alita dès le soir, resta jusqu’au lendemain soir sans vouloir ouvrir la porte de sa chambre. Vainement, Clotilde finit par s’inquiéter, tapa violemment du poing : pas un souffle, rien ne répondit. Martine vint elle-même, supplia monsieur, à travers la serrure, de lui répondre au moins qu’il n’avait besoin de rien. Un silence de mort régnait, il semblait que la chambre fût vide. Puis, le matin du second jour, comme la jeune fille, par hasard, tournait le bouton, la porte céda ; peut-être, depuis des heures,