Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/166

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vait tout dire. Elle commença par la questionner, voulut savoir si le docteur Ramond n’était pas venu le matin. Il était venu, mais on n’avait pour sûr parlé que de choses indifférentes. Alors, elle se désespéra, car elle-même avait vu le docteur, la veille, et il s’était confié à elle, chagrin de n’avoir pas de réponse définitive, pressé maintenant d’obtenir au moins la parole de Clotilde. Ça ne pouvait durer ainsi, il fallait forcer la jeune fille à s’engager.

— Il est trop délicat, s’écria-t-elle. Je lui avais dit, je savais bien que, ce matin encore, il n’oserait pas la mettre au pied du mur… Mais je vais m’en mêler. Nous verrons si je n’oblige pas cette petite à prendre un parti.

Puis, se calmant :

— Voilà mon fils debout, il n’a pas besoin d’elle.

Martine qui s’était remise à planter ses poireaux, la taille cassée en deux, se redressa vivement.

— Ah ! ça, pour sûr !

Et, sur son visage usé par trente ans de domesticité, une flamme se rallumait. C’était qu’une plaie saignait en elle, depuis que son maître ne la tolérait presque plus à son côté. Pendant toute sa maladie, il l’avait écartée, acceptant de moins en moins ses services, finissant par lui fermer la porte de sa chambre. Elle avait la sourde conscience de ce qui se passait, une instinctive jalousie la torturait, dans son adoration pour ce maître dont elle était restée la chose durant de si longues années.

— Pour sûr que nous n’avons pas besoin de mademoiselle !… Je suffis bien à monsieur.

Alors, elle, si discrète, parla de ses travaux de jardinage, dit qu’elle trouvait le temps de faire les légumes, afin d’éviter quelques journées d’homme. Sans doute, la maison était grande ; mais, quand la besogne ne vous faisait pas peur, on arrivait à en voir le bout. Puis, dès que