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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/181

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tragique des six mois de tortures qu’il venait de traverser. Sa face douloureuse avait un peu vieilli, il ne conservait que ses grands yeux restés enfants, des yeux bruns, vifs et limpides. Mais, à ce moment, chacun de ses traits exprimait une telle douceur, une bonté si exaltée, que Clotilde finit par arrêter son regard sur lui, avec une profonde tendresse. Il y eut un silence, un petit frisson qui passa dans les cœurs.

— Eh bien ! mes enfants, reprit héroïquement Pascal, je crois que vous avez à causer ensemble… Moi, j’ai quelque chose à faire en bas, je remonterai tout à l’heure.

Et il s’en alla, en leur souriant.

Dès qu’ils furent seuls, Clotilde, très franche, s’approcha de Ramond, les deux mains tendues. Elle lui prit les siennes, les garda, tout en parlant.

— Écoutez, mon ami, je vais vous faire un gros chagrin… Il ne faudra pas trop m’en vouloir, car je vous jure que j’ai pour vous une très profonde amitié.

Tout de suite, il avait compris, il était devenu pâle.

— Clotilde, je vous en prie, ne me donnez pas de réponse, prenez du temps, si vous voulez réfléchir encore.

— C’est inutile, mon ami, je suis décidée.

Elle le regardait de son beau regard loyal, elle n’avait pas lâché ses mains, pour qu’il sentît bien qu’elle était sans fièvre et affectueuse. Et ce fut lui qui reprit, d’une voix basse :

— Alors, vous dites non ?

— Je dis non, et je vous assure que j’en suis très peinée. Ne me demandez rien, vous saurez plus tard.

Il s’était assis, brisé par l’émotion qu’il contenait, en homme solide et pondéré, dont les plus grosses souffrances ne devaient pas rompre l’équilibre. Jamais un chagrin ne l’avait bouleversé ainsi. Il restait sans voix, tandis que, debout, elle continuait :