Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/182

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— Et surtout, mon ami, ne croyez pas que j’aie fait la coquette avec vous… Si je vous ai laissé de l’espérance, si je vous ai fait attendre ma réponse, c’est que, réellement, je ne voyais pas clair en moi-même… Vous ne pouvez vous imaginer par quelle crise je viens de passer, une véritable tempête, en pleines ténèbres, où j’achève de me retrouver à peine.

Enfin, il parla.

— Puisque vous le désirez, je ne vous demande rien… Il suffit, d’ailleurs, que vous répondiez à une seule question. Vous ne m’aimez pas, Clotilde ?

Elle n’hésita point, elle dit gravement, avec une sympathie émue qui adoucissait la franchise de sa réponse :

— C’est vrai, je ne vous aime pas, je n’ai pour vous qu’une très sincère affection.

Il s’était relevé, il arrêta d’un geste les bonnes paroles qu’elle cherchait encore.

— C’est fini, nous n’en parlerons plus jamais. Je vous désirais heureuse. Ne vous inquiétez pas de moi. En ce moment, je suis comme un homme qui vient de recevoir sa maison sur la tête. Mais il faudra bien que je m’en tire.

Un flot de sang envahissait sa face pâle, il étouffait, il alla vers la fenêtre, puis revint, les pieds lourds, en cherchant à reprendre son aplomb. Largement, il respira. Dans le silence pénible, on entendit alors Pascal, qui montait avec bruit l’escalier, pour annoncer son retour.

— Je vous en prie, murmura rapidement Clotilde, ne disons rien à maître. Il ne connaît pas ma décision, je veux la lui apprendre moi-même, avec ménagement, car il tenait à ce mariage.

Pascal s’arrêta sur le seuil. Il était chancelant, essoufflé, comme s’il avait monté trop vite. Il eut encore la force de leur sourire.