Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

était par terre, tandis que le royal enfant blanc, les veines et le cœur vides, dormait.

À trois reprises, revoyant toute sa vie, sa vie rouge de passion et de torture, que dominait l’image de la loi expiatrice, elle bégaya :

— Le gendarme ! le gendarme ! le gendarme !

Et elle s’abattit dans son fauteuil. Ils la crurent morte, foudroyée.

Mais la gardienne, enfin, rentrait, cherchant des excuses, certaine de son renvoi. Quand le docteur Pascal l’eut aidée à remettre Tante Dide sur son lit, il constata qu’elle vivait encore. Elle ne devait mourir que le lendemain, à l’âge de cent cinq ans trois mois et sept jours, d’une congestion cérébrale, déterminée par le dernier choc qu’elle avait reçu.

Pascal, tout de suite, le dit à sa mère.

— Elle n’ira pas vingt-quatre heures, demain elle sera morte… Ah ! l’oncle, puis elle, et ce pauvre enfant, coup sur coup, que de misère et de deuil !

Il s’interrompit, pour ajouter, à voix plus basse :

— La famille s’éclaircit, les vieux arbres tombent et les jeunes meurent sur pied.

Félicité dut croire à une nouvelle allusion. Elle était sincèrement bouleversée par la mort tragique du petit Charles. Mais, quand même, au-dessus de son frisson, un soulagement immense se faisait en elle. La semaine prochaine, lorsqu’on aurait cessé de pleurer, quelle quiétude à se dire que toute cette abomination des Tulettes n’était plus, que la gloire de la famille pouvait enfin monter et rayonner dans la légende !

Alors, elle se souvint qu’elle n’avait point répondu, chez le notaire, à l’involontaire accusation de son fils ; et elle reparla de Macquart, par bravoure.

— Tu vois bien que les servantes, ça ne sert à rien.