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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/250

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l’argent ! Et j’en donnerai à Martine, pour qu’elle nous fasse un bon dîner, ce soir.

En haut, dans sa chambre, devant elles, il abattit triomphalement le tablier du secrétaire. C’était là, au fond d’un tiroir, qu’il avait, pendant près de seize ans, jeté les billets et l’or que ses derniers clients lui apportaient d’eux-mêmes, sans qu’il leur réclamât jamais rien. Et jamais non plus il n’avait su exactement le chiffre de son petit trésor, prenant à son gré, pour son argent de poche, ses expériences, ses aumônes, ses cadeaux. Depuis quelques mois, il faisait au secrétaire de fréquentes et sérieuses visites. Mais il était tellement habitué à y trouver les sommes dont il avait besoin, après des années de naturelle sagesse, presque nulles comme dépenses, qu’il avait fini par croire ses économies inépuisables.

Aussi riait-il d’aise.

— Vous allez voir ! vous allez voir !

Et il resta confondu, lorsque, à la suite de fouilles fiévreuses parmi un amas de notes et de factures, il ne put réunir qu’une somme de six cent quinze francs, deux billets de cent francs, quatre cents francs en or, et quinze francs en petite monnaie. Il secouait les autres papiers, il passait les doigts dans les coins du tiroir, en se récriant.

— Mais ce n’est pas possible ! mais il y en a toujours eu, il y en avait encore des tas, ces jours-ci !… Il faut que ce soient toutes ces vieilles factures qui m’aient trompé. Je vous jure que l’autre semaine, j’en ai vu, j’en ai touché beaucoup.

Il était d’une bonne foi si amusante, il s’étonnait avec une telle sincérité de grand enfant, que Clotilde ne put s’empêcher de rire. Ah ! ce pauvre maître, quel homme d’affaires pitoyable ! Puis, comme elle remarqua l’air fâché de Martine, son absolu désespoir devant ce peu