Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/251

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d’argent qui représentait maintenant leur vie à tous les trois, elle fut prise d’un attendrissement désolé, ses yeux se mouillèrent, tandis qu’elle murmurait :

— Mon Dieu ! c’est pour moi que tu as tout dépensé, c’est moi la ruine, la cause unique, si nous n’avons plus rien !

En effet, il avait oublié l’argent pris pour les cadeaux. La fuite était là, évidemment. Cela le rasséréna de comprendre. Et, comme, dans sa douleur, elle parlait de tout rendre aux marchands, il s’irrita.

— Ce que je t’ai donné, le rendre ! Mais ce serait un peu de mon cœur que tu rendrais avec ! Non, non, je mourrais de faim à côté, je te veux telle que je t’ai voulue !

Puis, confiant, voyant s’ouvrir un avenir illimité :

— D’ailleurs, ce n’est pas encore ce soir que nous mourrons de faim, n’est-ce pas, Martine ?… Avec ça, nous irons loin.

Martine hocha la tête. Elle s’engageait bien à aller deux mois avec ça, peut-être trois, si l’on était très raisonnable, mais pas davantage. Autrefois, le tiroir était alimenté, de l’argent arrivait toujours un peu ; tandis que, maintenant, les rentrées étaient complètement nulles, depuis que monsieur abandonnait ses malades. Il ne fallait donc pas compter sur une aide, venue du dehors. Et elle conclut, en disant :

— Donnez-moi les deux billets de cent francs. Je vais tâcher de les faire durer tout un mois. Ensuite, nous verrons… Mais soyez bien prudent, ne touchez pas aux quatre cents francs d’or, fermez le tiroir et ne le rouvrez plus.

— Oh ! ça, cria le docteur, tu peux être tranquille ! Je me couperais plutôt la main.

Tout fut ainsi réglé. Martine gardait la libre disposi-