Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

muette de sa domesticité, en adoration devant son maître. Ce ne fut là, d’ailleurs, que le premier mouvement d’une seconde, inconscient pour l’une, à peine soupçonné par l’autre ; et ce qui restait, c’était la désapprobation visible de la servante économe, le cadeau coûteux regardé de travers et condamné.

Clotilde fut saisie d’un petit froid.

— Seulement, murmura-t-elle, maître a encore fouillé dans son secrétaire… C’est très cher, les perles, n’est-ce pas ?

Pascal, gêné à son tour, se récria, expliqua l’occasion superbe, conta la visite de la revendeuse, en un flot de paroles. Une bonne affaire incroyable : on ne pouvait pas ne pas acheter.

— Combien ? interrogea la jeune fille, avec une véritable anxiété.

— Trois cents francs.

Et Martine, qui n’avait pas encore ouvert la bouche, terrible dans son silence, ne put retenir ce cri :

— Bon Dieu ! de quoi vivre six semaines, et nous n’avons pas de pain !

De grosses larmes jaillirent des yeux de Clotilde. Elle aurait arraché le collier de son cou, si Pascal ne l’en avait empêchée. Elle parlait de le rendre sur-le-champ, elle bégayait, éperdue :

— C’est vrai, Martine a raison… Maître est fou, et je suis folle moi-même, à garder ça une minute, dans la situation où nous sommes… Il me brûlerait la peau. Je t’en supplie, laisse-le-moi reporter.

Jamais il ne voulut y consentir. Il se désolait avec elles deux, reconnaissait sa faute, criait qu’il était incorrigible, qu’on aurait dû lui enlever tout l’argent. Et il courut au secrétaire, apporta les cent francs qui lui restaient, força Martine à les prendre.