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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/320

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inachevée. Un soir, au dîner, Martine lui apprit que Sarteur, l’ouvrier chapelier, l’ancien pensionnaire de l’Asile des Tulettes, venait de se pendre. Toute la soirée, il songea à ce cas étrange, à cet homme qu’il croyait avoir sauvé de la folie homicide, par sa médication des piqûres hypodermiques, et qui, évidemment, repris d’un accès, avait eu assez de lucidité encore pour s’étrangler, au lieu de sauter à la gorge d’un passant. Il le revoyait, si parfaitement raisonnable, pendant qu’il lui conseillait de reprendre sa vie de bon ouvrier. Quelle était donc cette force de destruction, le besoin du meurtre se changeant en suicide, la mort faisant sa besogne malgré tout ? Avec cet homme disparaissait son dernier orgueil de médecin guérisseur ; et, chaque matin, quand il se remettait au travail, il ne se croyait plus qu’un écolier qui épelle, qui cherche la vérité toujours, à mesure qu’elle recule et qu’elle s’élargit.

Mais, cependant, dans cette sérénité, un souci lui restait, l’anxiété de savoir ce que deviendrait Bonhomme, son vieux cheval, s’il mourait avant lui. Maintenant, la pauvre bête, complètement aveugle, les jambes paralysées, ne quittait plus sa litière. Lorsque son maître la venait voir, elle entendait pourtant, tournait la tête, était sensible aux deux gros baisers qu’il lui posait sur les naseaux. Tout le voisinage haussait les épaules, plaisantait sur ce vieux parent que le docteur ne voulait pas faire abattre. Allait-il donc partir le premier, avec la pensée qu’on appellerait l’équarrisseur, le lendemain ? Et, un matin, comme il entrait dans l’écurie, Bonhomme ne l’entendit pas, ne leva pas la tête. Il était mort, il gisait, l’air paisible, comme soulagé d’être mort là, doucement. Son maître s’était agenouillé, et il le baisa une dernière fois, il lui dit adieu, tandis que deux grosses larmes roulaient sur ses joues.