Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/326

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rade, comme un frère. Les deux hommes se baisèrent sur les joues, vigoureusement.

— Puisque le bonheur vous envoie, je vais encore vous demander un service. Vous savez que je me défie de tout le monde ici, même de ma vieille bonne. C’est vous qui allez porter ma dépêche au télégraphe.

Il s’était assis de nouveau devant sa table, il écrivit simplement : « Je t’attends, pars ce soir. »

— Voyons, reprit-il, nous sommes aujourd’hui le 6 novembre, n’est-ce pas ?… Il est près de dix heures, elle aura ma dépêche vers midi. Cela lui donne tout le temps de faire ses malles et de prendre, ce soir, l’express de huit heures, qui la mettra demain à Marseille pour le déjeuner. Mais, comme il n’y a pas de train qui corresponde tout de suite, elle ne pourra être ici, demain 7 novembre, que par celui de cinq heures.

Après avoir plié la dépêche, il s’était levé.

— Mon Dieu ! à cinq heures, demain !… Que cela est loin encore ! que vais-je faire jusque-là ?

Puis, envahi d’une préoccupation, devenu grave :

— Ramond, mon camarade, voulez-vous me faire la grande amitié d’être très franc avec moi ?

— Comment ça, maître ?

— Oui, vous m’entendez bien… L’autre jour, vous m’avez examiné. Pensez-vous que je puisse aller un an encore ?

Et il tenait le jeune homme sous la fixité de son regard, il l’empêchait de détourner les yeux. Pourtant, celui-ci tâcha de s’échapper, en plaisantant : était-ce vraiment un médecin qui posait une question pareille ?

— Je vous en prie, Ramond, soyons sérieux.

Alors, Ramond, en toute sincérité, répondit qu’il pouvait très bien, selon lui, nourrir l’espoir de vivre encore une année. Il donnait ses raisons, l’état relativement peu