Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/328

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ne vouliez-vous pas envoyer cette dépêche tout de suite ?

— Oui, oui ! allez vite, mon bon Ramond, et je vous attends après-demain. Elle sera ici, je veux que vous accouriez nous embrasser.

La journée fut longue. Et, cette nuit-là, vers quatre heures, comme Pascal venait enfin de s’endormir, après une insomnie heureuse d’espoirs et de rêves, il fut réveillé brutalement par une crise effroyable. Il lui sembla qu’un poids énorme, toute la maison, s’était écroulé sur sa poitrine, à ce point que le thorax, aplati, touchait le dos ; et il ne respirait plus, la douleur gagnait les épaules, le cou, paralysait le bras gauche. D’ailleurs, sa connaissance restait entière, il avait la sensation que son cœur s’arrêtait, que sa vie était sur le point de s’éteindre, dans cet affreux écrasement d’étau qui l’étouffait. Avant que la crise fût à sa période aiguë, il avait eu la force de se lever, de taper au plancher avec une canne, pour faire monter Martine. Puis, il était retombé sur son lit, ne pouvant plus ni bouger ni parler, trempé d’une sueur froide.

Martine, heureusement, dans le grand silence de la maison vide, avait entendu. Elle s’habilla, s’enveloppa d’un châle, monta vivement, avec sa bougie. La nuit était profonde encore, le petit jour allait paraître. Et, quand elle aperçut son maître dont les yeux seuls vivaient, qui la regardait, les mâchoires serrées, la langue liée, le visage ravagé par l’angoisse, elle s’épouvanta, s’effara, ne put que se jeter vers le lit, criant :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! monsieur, qu’avez-vous ?… Répondez-moi, monsieur, vous me faites peur !

Pendant une grande minute, Pascal étouffa davantage, ne parvenant pas à retrouver son souffle. Puis, l’étau de ses côtes se desserrant peu à peu, il murmura très bas :