Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/339

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aspirante et foulante, régulatrice de toute la machine. Et, après la piqûre, il avait suivi, malgré sa souffrance, le réveil progressif de l’organe, le coup de fouet qui l’avait remis en marche, déblayant le sang noir des veines, soufflant de nouveau la force avec le sang rouge des artères. Mais la crise allait revenir, dès que l’effet mécanique de la piqûre aurait cessé. Il pouvait la prédire à quelques minutes près. Grâce aux injections, il y aurait encore trois crises. La troisième l’emporterait, il mourrait à quatre heures.

Puis, d’une voix de plus en plus faible, il eut un dernier enthousiasme, sur la vaillance du cœur, de cet ouvrier obstiné de la vie, sans cesse au travail, à toutes les secondes de l’existence, même pendant le sommeil, lorsque les autres organes, paresseux, se reposaient.

— Ah ! brave cœur ! comme tu luttes héroïquement !… Quelle foi, quelle générosité de muscle jamais las !… Tu as trop aimé, tu as trop battu, et c’est pourquoi tu te brises, brave cœur qui ne veux pas mourir et qui te soulèves pour battre encore !

Mais la première crise annoncée se produisit. Pascal n’en sortit, cette fois, que pour rester haletant, hagard, la parole sifflante et pénible. De sourdes plaintes lui échappaient, malgré son courage : mon Dieu ! cette torture ne finirait donc pas ? Et, pourtant, il n’avait plus qu’un ardent désir, prolonger son agonie, vivre assez pour embrasser une dernière fois Clotilde. S’il se trompait, comme Ramond s’obstinait à le répéter ! s’il pouvait vivre jusqu’à cinq heures ! Ses yeux étaient retournés à la pendule, il ne quittait plus les aiguilles, donnant aux minutes une importance d’éternité. Autrefois, ils avaient plaisanté souvent sur cette pendule empire, une borne de bronze doré, contre laquelle l’Amour souriant contemplait le Temps endormi. Elle marquait trois heures. Puis, elle