Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/340

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marqua trois heures et demie. Deux heures de vie seulement, encore deux heures de vie, mon Dieu ! Le soleil s’abaissait à l’horizon, un grand calme tombait du pâle ciel d’hiver ; et il écoutait, par moments, les lointaines locomotives qui sifflaient, à travers la plaine rase. Ce train-là était celui qui passait aux Tulettes. L’autre, celui qui venait de Marseille, n’arriverait donc jamais !

À quatre heures moins vingt, Pascal fit signe à Ramond de s’approcher. Il ne parlait plus assez fort, il ne pouvait se faire entendre.

— Il faudrait, pour que je vécusse jusqu’à six heures, que le pouls fût moins bas. J’espérais encore, mais c’est fini…

Et, dans un murmure, il nomma Clotilde. C’était un adieu bégayé et déchirant, l’affreux chagrin qu’il éprouvait à ne pas la revoir.

Ensuite, le souci de ses manuscrits reparut.

— Ne me quittez pas… La clef est sous mon oreiller. Vous direz à Clotilde de la prendre, elle a des ordres.

À quatre heures moins dix, une nouvelle piqûre resta sans effet. Et quatre heures allaient sonner, lorsque la deuxième crise se déclara. Brusquement, après avoir étouffé, il se jeta hors de son lit, il voulut se lever, marcher, dans un réveil de ses forces. Un besoin d’espace, de clarté, de grand air, le poussait en avant, là-bas. Puis, c’était un appel irrésistible de la vie, de toute sa vie, qu’il entendait venir à lui, du fond de la salle voisine. Et il y courait, chancelant, suffoquant, courbé à gauche, se rattrapant aux meubles.

Vivement, le docteur Ramond s’était précipité pour le retenir.

— Maître, maître ! recouchez-vous, je vous en supplie !

Mais Pascal, sourdement, s’entêtait à finir debout. La passion d’être encore, l’idée héroïque du travail, persis-